Il était une fois LLG
Avant de devenir Président de la banque d’affaires EuroLand Corporate et co-fondateur de MeilleurTaux Placement, Marc Fiorentino (LLG 1977) fut pendant 2 ans élève en prépa HEC à Louis-le-Grand, voici l’expérience qui fut la sienne.
Si vous deviez résumer votre expérience de LLG en 3 mots ?
Ce serait, reconnaissance – excellence - dépassement
Reconnaissance : j’ai une immense reconnaissance pour Louis-le-Grand, je viens d'un milieu très modeste, mon père n’avait pas le bac, ma mère a arrêté l’école en 5ème. LLG m'a donné ma chance en retenant ma candidature en prépa HEC, moi qui venais d’un petit lycée de Vincennes.
Excellence : c’est à LLG que je me confronte pour la première fois à l'excellence. J’y croise des graines de génie qui à 16 ans gagnaient des olympiades de maths. C'était juste incroyable de côtoyer une telle excellence.
Dépassement : c'est la période où je pense que j'ai été le plus stimulé de toute ma vie. Ce ne fut pas une « étape », ce fut un tournant, Louis-le-Grand en 2 ans m'a littéralement transformé. J’y ai appris à apprendre et à comprendre.
Le choix de LLG ?
Ce fut un choix salutaire et suicidaire en même temps. Salutaire, car il changea ma vie, suicidaire, car, allez savoir pourquoi, je ne postulais qu’aux 3 meilleures prépas de France sans aucun plan B. Mes camarades me dirent ensuite « Marc tu es dingue ou quoi d'avoir fait ça ». Comme en finance il fallait diversifier. Ce choix de débutant fut gagnant, mais ô combien éprouvant.
Pourquoi une prépa HEC ? Peut-être parce que dans mon milieu, où l’on connaissait peu les classes prépas ou les écoles de commerce, on me reconnaissait le sens du commerce. Alors HEC, LA meilleure école de commerce est apparue comme la voie évidente pour moi. Et pour aller dans la meilleure école de commerce, il fallait donc aller dans la meilleure prépa. Pourtant LLG n’était pas tant que cela une fierté pour ma famille, la voie royale c’était médecine (comme mon frère ainé). Et au lycée on ne parlait que très peu des prépas puisque, dans le mien, personne n'y allait.
Rétrospectivement, ce choix fou sur le papier fut le choix le plus bouleversant de ma vie, mais ma famille, comme moi, étions à l ‘époque totalement dans l'inconnu sur les conséquences de ce choix. J’arrive donc en septembre 77 en étant confiant, me disant que j'ai toujours été très bon élève à Vincennes, avec des 18 et des 20 de moyenne en maths et en physique. On m'a prévenu que ce serait très dur, mais comme j'aimais bosser, je me disais que j’allais m‘en sortir. C’était une obsession familiale de s’en sortir en étant 1er. On me disait souvent « Marc si tu veux t’en sortir il faut être premier ». Alors si je ne m’attends pas à être toujours le premier à LLG, je m’attends à être dans les premiers et en tout cas pas le dernier, je n’avais jamais été dernier.
Les étonnements, les moments marquants ?
L’étonnement fut de passer de premier à avant-dernier immédiatement, un vrai choc très difficile à vivre, mes 18 en maths se transformèrent en 3. Le choc initial se répéta. Moi qui pensais savoir naviguer dans les études, je me noyais, j’étais submergé. Le pire cauchemar c’est la fin du trimestre c’est 3 de moyenne, je me suis vraiment noyé, et ce pendant toute la première année. Je levais la tête de l'eau de temps en temps pour essayer de prendre ma respiration mais sans succès.
Ajouté à cela la dureté professorale, le revers de la médaille de l’excellence « à la Française ». Une pédagogie darwinienne, ceux qui ne se noyaient pas survivaient, et advienne que pourra pour les derniers. Donc moi dans cette piscine j’apprends à surnager, heureusement j’ai le soutien de mon frère ainé qui m’a accompagné pendant cette épreuve, venant déjeuner avec moi dès qu’il sentait que je craquais et je craquais souvent. Je lui en suis très reconnaissant.
Autre étonnement c’est que je ressens pour la 1ère fois un déclassement social, je m’aperçois que je n’ai pas une grande partie des connaissances culturelles de mes camarades. Je n’avais pas les codes de cet environnement social, je dirais que je devais apprendre ce que eux avaient toujours vécu.
Alors certes les chiffres parlent pour cette méthode, car à la fin de l’année je suis admissible à HEC au prix d’une année extrêmement douloureuse. Notre taux d’admission à HEC était impressionnant, ce fut un massacre (pour les autres prépas). Je ne suis pas admis, je deviens un carré, mais cette admissibilité en 1ère année me redonne confiance et avec cette 2ème rentrée commence un bonheur total, une des plus belles années de ma vie, je surfe sur tous les sujets.
Les graines semées par LLG qui ont germées depuis ?
LLG m’a appris à apprendre et à aimer apprendre, et ce pour toujours. Cet apprentissage « à la dure » fut fabuleux. J’y ai aussi appris le sens de la compétition contre soi-même, pas vraiment contre les autres, la compétition pour se dépasser. Comme au marathon où tu te prends le mur au 35ème kilomètre, sauf que le mur, à LLG, je me le suis pris dès le 1er KM ! J’y ai appris à surnager, puis à nager parce que ton sujet c’est de devenir un bon nageur. Et là, quand tu y arrives, donc tu voles presque dans les airs.
Les graines de LLG, c’est qu’après avoir vécu une 1ère année en enfer, je vivrais une 2ème année avec une énergie folle, comme sur un nuage. Cette graine, c’était d’expérimenter en vrai le concept de « learning curve », cette courbe d’expérience que l’on qualifie en stratégie d’avantage concurrentiel. La 2ème année je profitais de toute l’expérience acquise en 1ère, et de toute celle transmise par les professeurs et les autres élèves. LLG m’a aussi transmis le sens de l’effort. J’avais une soif d’apprendre en permanence, j’étais insatiable d’apprendre des choses nouvelles. LLG m’a appris aussi in fine à aimer, l’histoire, le français, les maths, l’histoire géo, et comme en amour à ne jamais renoncer. Ce désir de curiosité, LLG l’a fortement amplifié.
Les rencontres marquantes de LLG ? Quelles amitiés, quel(s) amours, quelle sentimentalité a pu éclore à LLG ?
Je ne développais dans cet environnement difficile ni amitiés intenses ni aventures sentimentales, il y avait une bonne ambiance, une bonne entente, mais pas de romance pour moi dans ce lycée, les romances c’était en dehors.
Du coté de mes camarades ils avaient tous un truc en plus, une diversité que j’ai moins rencontrée à HEC, un éclair dans les yeux, pas simplement des qualités scolaires, cela tenait du miracle du recrutement du lycée. Dans chaque élève il y avait un truc singulier, un truc brillant, mais pas clinquant, ce petit je-ne-sais quoi en plus que je n’ai jamais vraiment retrouvé ailleurs.
L'excellence. Quels professeurs vous ont appris beaucoup ? auraient-ils « pu mieux faire » ?
J’ai le souvenir d’une professeure qui aurait « pu mieux faire » c’était notre professeure de Maths, elle avait le défaut de son talent. Excellente dans sa matière, elle ne s’adressait qu’aux excellents, qu’aux plus brillants de la classe, une dizaine d’élèves dont la plupart étaient des carrés et une poignée d’ultras brillants dès leur 1ère année. La majorité ne comprenait rien à ce qu’elle disait, elle parlait comme dans une langue étrangère. C’était déprimant.
À l’inverse, dans la rubrique admiration, j’ai une immense gratitude pour notre professeur d’histoire de deuxième année dont je m‘en veux de ne pas me souvenir de son nom. Il nous passionnait, il nous tenait par la main pour nous faire grandir, un professeur exemplaire. Il incarnait la bienveillance, une notion peu développée à l’époque. Avec lui on avait presque l’impression d’une éducation à l’américaine qui postule que personne n’est « nul » et que chacun est doué en quelque chose et que ne pas être premier cela ne veut pas dire échouer.
Quel regard portez-vous sur la méritocratie à la Française, Louis-le-Grand est-il toujours dans la course au niveau mondial, son modèle est-il toujours la référence à suivre ?
Ce n’est pas dans tous les pays, qu’un lycée public, donne cette chance. Louis-le-Grand ne regardait ni le lycée d’origine, ni le milieu social. Paris, territoires, aucune différence. Un vrai modèle de méritocratie à la Française.
Pourtant , même si j’étais content que mon fils choisisse de faire HEC, une formation qui ne ferme aucune porte, je ne l’ai pas incité à aller à Louis-le-Grand. Je ne l’aurais pas empêché, mais je craignais qu’il ne vive la même première année traumatisante. Il a choisi IPESUP et c’était un excellent choix car IPESUP est totalement focalisée sur la réussite aux concours en ne laissant personne sur le bord de la route. Il a réussi brillamment ses concours aux trois Parisiennes avant d’intégrer HEC et j’en suis très fier.
Au niveau mondial, Louis-le-Grand, comme les autres grandes prépas Françaises, est une référence. Pas d’équivalent à l’étranger où l’élitisme est souvent synonyme de discrimination financière.
Vos messages. Quels encouragements, félicitations ou conseils aux élèves actuellement à LLG ?
Bravo d'être là, parce que vous faites partie d'une population de gens qui ont quelque chose en plus. Je ne dirais pas l’élite, car cela a un côté un peu méprisant, mais si vous êtes là, c'est que vous avez des talents et LLG peut vous aider à les révéler, à les développer. Et si c'est difficile, j’ajouterais « serrez les dents » parce que c'est aussi dans la difficulté que vous allez connaître l’excellence.
Si vous doutez, dites-vous que vous n’êtes pas là par hasard et que vous avez le niveau pour réussir, ne vous remettez pas trop en question quand vous avez une mauvaise note, ce serait une perte d'énergie, une énergie négative qui peut être handicapante et même dévastatrice, ne vous inquiétez pas trop.
Quelles attentes pour l’association des anciens élèves ?
De développer le mentorat, le partage d’expérience et la solidarité entre générations, je suis prêt à contribuer !
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