Il était une fois LLG ...François Candelon

AAELLG Francois Candelon

 

Il était une fois Louis-le-Grand…

 

Interview de M. François Candelon Senior Partner du BCG (LLG 1988), par Ludovic Herman de L’Entreprise Sentimentale (LLG 1987).

 

 

« Je ne suis pas venu ici pour rigoler, mais pour intégrer ! In fine je développerai de multiples amitiés »

 

 

Avant d’être Senior Partner du BCG et président de l’Henderson Institute puis plus récemment partner de Seven2 (anciennement Apax Partners), François Candelon fut élève en classe préparatoire scientifique au Lycée Louis-le-Grand pendant un an. Voici un rapide retour sur l’expérience qui fut la sienne.

 

 

Comment êtes-vous arrivé à Louis-le-Grand ? Était-ce votre choix ?

 

Je ne sais pas pourquoi, mais déjà enfant j’étais motivé par Polytechnique, j’avais ce projet de devenir polytechnicien, alors que j’étais plutôt issu d’une famille de médecins. En 3/2 à Fermat, j’avais été admis à Centrale, mais j’avais échoué à intégrer l’X. Je décidais de refaire une année …ailleurs, évitant de ce fait de me dire que je redoublais. C’est en vacances au Pyla que je recevais une grosse enveloppe de LLG m’annonçant que j’étais accepté. Ce choix n’était pas un dilemme, car LLG c'était LE grand lycée pour intégrer l’X. En faisant ma 5/2 à Paris, je ne refaisais pas la même prépa au même endroit. Comme j'étais plutôt en tête de classe à Toulouse je me suis dit « trouve un endroit encore plus stimulant pour monter d’un cran ».

 

Face à mon choix, on m'avait dit « Oh là là, tu pars là-bas, mais ils s'arrachent les cours et ils les brûlent, tu verras ». En fait, c'était une solidarité et une fraternité absolument incroyables que je vivrais à l'internat. Je continue à voir beaucoup d’amis très précieux rencontrés cette année-là.

 

Comment vous êtes-vous senti accueilli ? Quelles furent vos premières impressions ?

 

L’internat n’était pas luxueux… la petite chambre avait une porte où il fallait quasiment rentrer de profil et à l’époque, je n’étais pas très gros. Venant de Toulouse, j'ai souffert du froid et du manque de lumière, mais je me suis senti très bien accueilli, alors que je n’étais pas très rigolo à l'époque.  

 

Je me rappelle que mon voisin de chambre, Julien Billot qui deviendra et reste toujours l’un de mes meilleurs amis, était arrivé avec une chaîne hifi.  J'étais allé le voir en lui disant « Écoute garçon, tu ne vas pas faire de bruit parce que je ne suis pas venu ici pour rigoler, mais pour intégrer ». Avec une prestance qui lui est propre, il me dit souvent que l'entrée en matière de notre amitié avait été un peu détonante ! Mais finalement, nous nous sommes très bien entendus. Et in fine je développais de multiples amitiés !

 

Le niveau ne m'a pas choqué. Je pense que si j'étais arrivé en math sup, cela m'aurait davantage bousculé. En spé, à la fin, il faut préparer des concours et tu fais les devoirs de l’X, des Mines, de Normale et ce sont les mêmes que tu les fasses à Toulouse ou à Paris. Comme j’étais très bon en physique et moins bon en maths, c’est là que Louis-le-Grand m’a fait progresser. En maths au premier trimestre, le professeur m'avait qualifié « d’atypique » parce que j'avais, soit de très bonnes notes, soit de très mauvaises !

 

En dehors de connaissances académiques, qu'avez-vous retenu de « l’école Louis-le-Grand » ? 

Je retiens l’entraide. On avait très vite compris que nous n’étions pas en concurrence les uns contre les autres, mais au contraire que nous étions là pour collectivement devenir meilleurs. L’ambiance était extrêmement différente de celle que l’on m'avait prédite. D’ailleurs, quand début juillet, LLG nous vira de l'internat, alors que nous devions encore passer des oraux jusqu'au 20, c’est collectivement que nous déménagions, recréant à la Cité U d’Orsay le couloir de l’internat de la rue St Jacques.

 

Donc, ce que je retiens c'est la solidarité, la valeur d’entraide. On savait identifier nos complémentarités pour se tirer vers le haut, collectivement.  On peut toujours aider un camarade sur une matière et être aidé par un comparse sur une autre. C’est grâce au collectif que tu partages ce que tu as de meilleur en toi.

 

Cette période est aussi celle de la découverte de son caractère et de sa personnalité, c’est celle de la révélation de ce qu'on a dans le ventre ! Très très précieux pour l’avenir !

 

Quels amis fréquentiez-vous ?

 

C'est une vraie communauté d’amis qui s’est créée, des amis que j’aime et que je revois toujours avec joie. Je citerai Julien Billot qui vit aujourd'hui à Montréal, Hervé Daudin qui choisit Ulm par amour, Jean Ferré et son physique d’acteur, Frédéric Viet qui jouait de la batterie et ne se déplaçait jamais sans ses baguettes et Erick de Brauwère, surnommé Bro, très marrant et très sympa, connu aujourd’hui pour son manuel de mathématiques et, à l’époque, pour sa bibliothèque très fournie. Ce ne sont pas les seuls et je pourrais quasiment refaire le couloir de l'internat.

 

Le soir des résultats aux écrits de l’X fut un grand moment d’amitié. Comme pas mal d’entre nous, j’étais hyper alpha: une vraie surprise qui m’a donné beaucoup de confiance pour la suite.  Pour célébrer, nous nous sommes accordés … d’aller au cinéma ! Enormé ! Je me souviens du film : Bird, de Clint Eastwood sur la vie de Charlie Parker. Quand on y pense, cette « soirée » fut vraiment exceptionnelle ! C’est dire !

 

Quels sont les professeurs qui vous ont aidé, marqué ?

 

Monsieur Randé était un super prof de maths, il était quasiment le sosie d’Étienne Daho mais arrivait toujours avec au moins 30 min de retard, au point que je lui ai fait un jour la somme des heures perdues ! Mais je me rappelle surtout l’une de ses remarques : « avant de passer à la question suivante, demandez-vous sincèrement, demandez-vous vraiment si vous aurez tous les points ». Depuis dans ma vie professionnelle, voire dans ma vie tout court, ce conseil de se demander sincèrement, en se regardant dans le miroir, si on est allé au bout de ce qu’on devait faire ne m’a pas quitté. C'est probablement grâce à lui que je suis entré à l’X mais son enseignement le plus important pour moi fut sans aucun doute cette exigence d’authenticité, de ne jamais se mentir. C’est elle qui ne m’a jamais quitté.

 

Et la sentimentalité à Louis-le-Grand ?  Étiez-vous amoureux à l’époque du lycée ?

 

Pas vraiment, j’étais très focalisé sur mes études. Certes, j'avais eu des copines d'été et je gardais quelques lettres, mais Louis-le-Grand n’était pas, a proprement parlé, le lieu propice à toute forme de sentimentalité.

 

En revanche, j’ai reçu beaucoup de gestes d’amitié profonde ! Mon grand-père qui m’avait élevé a été très gravement malade cette année-là et j’ai à certains moments été grandement soutenu par mes camarades.

 

Quels messages souhaiteriez-vous communiquer aux jeunes actuellement à Louis-le-Grand ?

 

Le point essentiel, c'est la capacité à définir ses priorités et à se dire «  Bon, il y a des sacrifices à faire et c’est maintenant ». Mon prof de philo en terminale disait que le travail était de la satisfaction … différée, je pense que le travail en prépa c'est de la satisfaction différée ET amplifiée. Cela vaut le coup de constater que les efforts payent et ces années ont un impact démesuré sur le reste de sa vie par les gens que l’on va côtoyer, les métiers que l’on va pouvoir exercer. Et c’est pour cela que si l’on n’a pas l’école que l’on souhaite, il faut absolument faire 5/2. C’est en plus une année géniale où l’on comprend tout !

 

 

Je dirais aussi que l’internat est un atout indéniable, j'avais été externe à Fermat et ça n'a rien à voir. Au-delà même du temps gagné dans les transports, être interne c'est entrer dans un groupe et cet apport du groupe a été déterminant pour moi. Je dis à tous ceux qui veulent faire des prépas, allez si possible en internat, pour moi la question ne se pose pas.

 

 

Que pourrait vous permettre l’association des anciens élèves du lycée Louis-le-Grand ?

 

L’association peut intervenir sur 2 dimensions : les retrouvailles et la transmission. 

 

Personnellement, j’aurais un énorme plaisir à retrouver des gens que j'ai perdus de vue. Comment mettre aussi en valeur des role-models, avec des parcours différents qui peuvent rencontrer physiquement dans leurs classes les élèves d’aujourd’hui. Si je prends mon cas, 35 ans d’expérience peuvent ouvrir de nouvelles perspectives aux élèves ; les aider à rendre plus concrets leur projet professionnel et par là même un volet essentiel de leur projet de vie.

 

Merci

 

 

 
Dernière modification : 15/09/2024