Il était une fois LLG…
Interview de Éric Labaye (LLG 1980), investisseur et consultant, ancien président de l’Ecole polytechnique et senior partner du cabinet McKinsey, par Ludovic Herman de L’Entreprise Sentimentale (LLG 1987).
« Louis-le-Grand fut une vraie école d’organisation et d’excellence qui m’accompagna toute la vie»
Avant d’avoir été Président de l’École polytechnique et de l’Institut Polytechnique de Paris et Senior Partner de McKinsey, Éric Labaye fut élève en classe préparatoire scientifique à Louis-le-Grand où il intégrera en deux ans l’École polytechnique. Voici un rapide retour sur l’expérience qui fut la sienne.
1.Comment êtes-vous arrivé à Louis-le-Grand ? Était-ce votre choix ?
Natif d’Argenton-sur-Creuse (36), c’est à la fin de ma scolarité au Lycée Pierre et Marie Curie à Châteauroux en 1978 que la possibilité d’étudier à Louis-le-Grand a émergé. Comme j’avais toujours été en tête de classe et que j’avais toujours aimé les sciences, mon professeur de Mathématiques de terminale, Monsieur Depont, et la proviseure de mon lycée, Madame Malin me recommandèrent ainsi qu’à mes parents, qui étaient professeurs de mathématiques en collège, de candidater dans une classe préparatoire d’un grand lycée parisien. J’ai alors postulé à Saint-Louis, à Sainte-Geneviève et à Louis-le-Grand. Ce dernier, vu de ma province berrichonne, était considéré comme la meilleure prépa. Une fois reçues les réponses positives, je n’hésitai pas, j’acceptai Louis-le-Grand et à la rentrée j’ai rejoint l’internat en Math sup (HX2).
2.Comment vous êtes-vous senti accueilli ? Quelles furent vos premières impressions ?
Tout d’abord impressionné et heureux de rejoindre un lycée de référence avec une histoire. À l’internat, je rencontrais des élèves qui venaient de toutes les régions de France, et pas forcément des grandes métropoles, ainsi que du Maroc ou du Liban. C’était une formidable ouverture pour moi, qui bien qu’ayant voyagé avec mes parents en Europe durant les vacances scolaires, n’avais toujours côtoyé que des élèves de l’Indre. Il y avait vraiment un bon état d’esprit. Je suis arrivé l’année de la rénovation de l’internat, donc j’ai pu connaître l’avant et l’après-rénovation. J’eus même la chance d’être tiré au sort pour bénéficier dans les premiers des chambres rénovées. Avant, c’était impossible d’y travailler, on allait à la BSG, la Bibliothèque Sainte-Geneviève ouverte jusqu'à 22h, ensuite ce fut plus facile. Mes parents, que j’appelais d’une cabine téléphonique en enchainant les pièces de 5 francs, n’en revenaient pas du côté plus que spartiate de l’internat de ce grand lycée parisien.
Mais le vrai choc vint quelques jours après la rentrée, au premier contrôle de math où j’arrivais 40e sur 45 ! Du jamais vu dans ma vie de collégien ou de lycéen où je ne connaissais que les premières places ; j’ai alors développé de l’humilité et me suis questionné. Certes, à la fin de l’année, je rattrapais le peloton de tête, mais ce ne fut pas sans de vrais moments de doute. En arrivant à LLG, je n’avais pas de perspective sur mon niveau en absolu. Il me fallut un bon trimestre pour rattraper mon handicap de départ quand certains Parisiens avaient déjà fait une partie de notre programme au lycée.
3.En dehors de connaissances académiques, qu'avez-vous retenu de « l’école Louis-le-Grand » ?
En plus de cette école d’humilité où il y a toujours de nouveaux caps à franchir, ce que j’ai appris c’est la force de l’entraide. Entre internes, on s’épaulait beaucoup. C’est cet état d’esprit qui nous permettait à nous provinciaux de rattraper notre retard au début de l’année.
Un autre enseignement, c’est celui des valeurs scientifiques et l’exigence associée: poser des hypothèses, être rigoureux dans la résolution des problèmes, s’organiser pour produire de la qualité sur de multiples sujets dans un temps limité.
Je crois aussi que les réussites, mais aussi les doutes et les échecs m’ont incité à toujours chercher là où je pouvais exceller. Même si le lycée poussait à combler les lacunes, je cherchais aussi à développer mes points forts, c’est cela qui construisait ma confiance en moi. J’ai d’ailleurs connu McKinsey suite à la publication par la société d’un livre de référence en management dont le titre « In search of excellence » m’incita à le lire !
Louis-le-Grand fut une vraie école d’organisation et d’excellence qui m’accompagna toute la vie et j’ai toujours essayé de transmettre ces valeurs aux personnes avec lesquelles j’ai travaillé.
4.Et quels amis fréquentiez-vous ?
Mes camarades d’internat ont constitué l’équipe principale de ces deux années, car nous partagions quasiment toutes nos activités. Notamment Patrick Defranoux qui fera carrière chez Thales et Jad Khallouf dans la finance.
5.Et quels sont les professeurs qui vous ont aidé, marqué ?
Nous avions des professeurs exceptionnels, qui nous permettaient de couvrir un très large spectre de sujets. J’en citerai deux en particulier qui m’ont particulièrement marqué par leurs styles respectifs. Tout d’abord le professeur Montchamp, un professeur de mathématiques hors pair, toujours brillant et rapide, mais sans une once d’empathie. Cela nous apprenait d’une certaine façon que le monde ne nous attendrait pas, le niveau était là, à nous de l’atteindre.
Le second, c’était le professeur Boutigny, le professeur de physique auteur du livre de cours du même nom, la référence pour tous les préparationnaires. Une vraie limpidité dans ses cours, caractéristique des grands scientifiques, mais aussi, chez lui on sentait l’empathie pour nous tous, une vraie envie qu’on réussisse, il nous y aidait et nous apprenait à prendre de la hauteur.
6.Et la sentimentalité à Louis-le Grand ? Étiez-vous amoureux à l’époque du lycée ?
Le travail dévorait tout, mes 2 ans furent en mode totalement « monacal ». La semaine était dédiée au travail et presque tout le week-end aussi. Je rentrais à Châteauroux par le train de 13h25 à Austerlitz pour arriver à 15h29. Ensuite c’était 1h30 de promenade en forêt pour déconnecter pour ensuite retravailler le samedi soir et le dimanche avec un retour à Paris par le train de 19h00. Tout était dévolu au travail, pas de temps pour les soirées.
7.Quels messages souhaiteriez-vous communiquer aux jeunes actuellement à Louis-le-Grand ?
Que c’est une grande chance d’être dans un système d’excellence, même si ce n’est pas facile, même si c’est exigeant, c’est une chance de pouvoir vivre ces années. Mon message est simple : utilisez cette chance, profitez-en pour apprendre et comprendre au maximum. Profitez d’avoir accès à des professeurs, à des élèves hors pair qui viennent des 4 coins de France et du monde francophone et qui sont riches de leurs différences et de leurs expériences diverses.
Essayez d’augmenter encore plus le niveau d’entraide au sein de votre classe, une classe solidaire a plus de chance de faire progresser ses élèves dans les concours qu’un esprit de compétition au sein de la classe.
8.Que pourrait vous permettre l’association des anciens élèves du lycée Louis-le-Grand ?
Elle pourrait organiser, comme le font les Business School, une journée Alumni par tranche de 10 ans afin de se retrouver ainsi que d’échanger avec le proviseur et les professeurs actuels. Également toutes les interactions entre les anciens et les élèves actuels afin de les aider sont les bienvenues.
Elle pourrait aussi organiser, à l’instar de ces interviews, des interviews des professeurs de LLG, on leur doit tant et ils ont certainement de beaux témoignages à partager.
Merci
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