Il était une fois LLG ... Thierry Wong et Pierre Forette

AAELLG Thierry Wong & Pierre Forette

 

Il était une fois LLG

 

Avant d’être les producteurs d’une quinzaine de films dont « Un p’tit truc en plus » d’Artus, ou « La Squale » de Fabrice Genestal, Thierry Wong et Pierre Forette furent élèves au Lycée Louis-le-Grand de 1983 à 1986.

 

 

1. Votre expérience de LLG en 3 mots :

 

Nous étions au lycée de 1983 à 1986 pour Pierre, et 1983 à 1985 pour Thierry. Si nous devions donner 3 mots pour résumer nos années au lycée, ce serait : amitié, fidélité et curiosité (ou ouverture d’esprit).

  • Amitié : Louis le Grand fut le lieu où nous avons développé des amitiés multiples avec des personnes d’horizons très divers que nous n’aurions peut-être pas rencontrées autrement.

 

  • Fidélité : Nous avons noué dans ce lycée des amitiés qui durent depuis longtemps. C’est le cas entre nous deux (nous nous sommes rencontrés en classe de seconde) mais c’est aussi le cas avec plusieurs amis de cette même classe de seconde. Nous sommes près de 10 à continuer à nous revoir régulièrement depuis cette époque, près de 40 ans après.

 

  • Curiosité : Cette expérience fut nettement plus sympathique qu’escomptée : beaucoup nous avaient prédit une ambiance dure, une compétition féroce, un « esprit concours » etc. Finalement, il y avait au contraire une bonne ambiance, une grande ouverture d’esprit et une curiosité affichée envers des parcours parfois très différents.

 

 

2. La décision de postuler à LLG :

 

Avant d’entrer à LLG, nous étions respectivement à Stanislas (Thierry) et l’École alsacienne (Pierre).  Pierre n’était pas très content de sa classe et comme deux de ses amis postulaient il les a suivis. Les parents de Thierry souhaitaient qu’il passe dans le public et lui avait envie de mixité (même si à LLG nos classes ne comptaient que 25% de filles c’était mieux que le 0% de Stanislas à l’époque). 

 

 

3. Les premières fois à LLG :

 

Le premier étonnement fut le premier cours de maths, le premier jour de l’année. En général, le jour de la rentrée, on fait connaissance, on s’installe, on prend ses marques. En ce qui nous concerne, la première heure de maths fut une interro. Pour le coup, cette première expérience relevait bien du cliché « LLG ». Mais c’est à cette occasion que nous avons sympathisé tous les deux, réunis par le fait d’avoir rendu une mauvaise copie et de ne pas se sentir seuls ! Notre premier cours d’histoire-géographie fut aussi très marquant, avec un professeur célèbre à l’époque : Monsieur Laduguie, une figure (cf. infra).

 

 

4. Les graines semées par LLG qui ont germé depuis :
 

Le désir pour toujours plus de diversité. Il y avait une variété de parcours impressionnante, absente des établissements privés qu'on avait fréquentés. Beaucoup de nos camarades habitaient en banlieue. L’un d’entre eux ,était issu d’une famille de 4 enfants qui habitait dans un 2 pièces en lointaine banlieue, un autre avait eu un parcours très difficile depuis l’étranger pour arriver jusqu'en France, plusieurs de nos camarades étaient issus de milieux défavorisés. Il y avait des gens de province, de banlieue, de Paris, de l’étranger, pas seulement les élèves a priori plus privilégiés qui habitaient le 5ème arrondissement de Paris où était situé le lycée, un vrai mélange « républicain ».

Cette variété des origines et des parcours s’est ensuite reflétée dans la vie : certains sont devenus ingénieurs, professeurs, économistes, metteurs en scène, philosophes, en France ou l’étranger.

 

En ce qui nous concerne, le fait de se connaître depuis cette époque a sans doute facilité notre rapport professionnel et favorisé une grande connivence.  Après 40 ans de vie scolaire puis professionnelle commune, il y a des choses qu’on n’a plus besoin de se dire. On se comprend plus vite, on peut anticiper facilement ce que va penser l'autre, ça facilite les rapports. On se connaît et on se pratique depuis la classe de seconde ! Le fait qu’on se connaisse depuis si longtemps étonne souvent nos interlocuteurs.

 

 

5. Les moments mémorables à LLG :

 

C’est plutôt une anecdote potache qui nous vient à l’esprit.

Nous avions une professeure de latin qui avait de grandes ambitions pour nous. Elle nous faisait beaucoup travailler et multipliait les contrôles. Il se trouve qu’un de nos camarades avait mis la main sur les traductions du manuel qu’elle utilisait pour les exercices de thème et de version. Comme il y avait un bon esprit de solidarité, ce camarade avait partagé les traductions à l’avance avec toute la classe. Nous prenions naturellement soin de ne pas faire de « copier-coller » et de laisser une ou deux fautes par ci par là.

 

Notre professeure, enchantée, vit notre niveau progresser, elle se dit certainement que son exigence payait, elle continua donc à être encore plus exigeante, croyant en notre talent et nos efforts. Presque toute la classe utilisait ce subterfuge peu glorieux à l’exception d’un élève qui adorait le latin et mettait un point d’honneur à ne pas utiliser les traductions.Tout se passait plutôt bien jusqu’au jour où notre professeure découvrit le pot aux roses.

Ce fut probablement un choc pour elle : l’effondrement intérieur de ses croyances en notre talent et notre intégrité. Elle organisa alors un contrôle, non issu de son livre, dans une grande salle au dernier étage du lycée : la « salle aux néons ». Une immense salle où chaque élève était assis à une table individuelle, très éloigné de son voisin. C’est notamment une salle qui sert pour les concours. Tout le monde a eu une très mauvaise note, à l’exception de notre camarade passionné qui fut enfin justement récompensé.

 

 

6. Les rencontres marquantes de LLG :

 

La nôtre, avec le cinéma ! C’est à cette époque qu’on réalise de manière fortuite qu’on aime tous les deux le cinéma. Pierre fréquente assidument les salles de répertoire du quartier. Thierry a une petite caméra super 8 qu’il aime bien utiliser. Nous parlons déjà de faire une école de cinéma après le Bac. A l’époque l’IDHEC est en train de se transformer en FEMIS. On ne peut présenter le concours qu’avec un diplôme sanctionnant deux ans d’études supérieures. Nous décidons de faire une école de commerce avant de se retrouver à la FEMIS quelques années plus tard.

Après la FEMIS, nous faisons plusieurs rencontres marquantes dont celle de René Cleitman, un grand producteur qui avait produit « Cyrano » de Jean-Paul Rappeneau et avec qui nous ferons nos premières armes.

Mais c’est une autre rencontre à LLG qui nous conduira à devenir producteurs, En classe de première, nous rencontrons Fabrice Genestal, un garçon aux multiples centres d’intérêt, la philo, la littérature, la politique, et bien sûr le cinéma. Nous devenons amis et 10 ans plus tard, Fabrice, que nous fréquentons toujours, est professeur de français dans un lycée à côté de Sarcelles. Il partage avec nous des histoires que lui racontent ses élèves, notamment des affaires de viols collectifs dont personne ne parle à l’époque : les tournantes.

Il nous propose de développer un film sur ce sujet.
Chiche ? Avec ce sujet, nous obtenons la Bourse de la Fondation Hachette, créée à l’époque par Jean Luc Lagardère pour soutenir des jeunes qui voulaient se lancer dans la production.  Cela nous aide à produire ce qui va devenir notre premier long métrage : « La Squale » de Fabrice Genestal, premier film à mettre en scène le phénomène des tournantes, un film dur sur un drame caché de l’actualité joué par de jeunes acteurs inconnus mais très talentueux.  (Le film sera nommé aux César dans la catégorie « meilleure première oeuvre »).

 

 

7. L'excellence : Quels professeurs vous ont appris beaucoup ?

 

Le professeur d’histoire-géographie, Monsieur Laduguie, est une figure d’excellence qui nous a beaucoup marqués. C’était un homme sérieux et souriant à la fois dont de nombreuses générations d’élèves de LLG se souviennent. Il avait une autorité naturelle qui n’avait aucunement besoin de menace ou de réprimande pour s’exercer, Il était dur tout en étant juste, il n’avait jamais besoin de punir ni d’élever la voix.  Amateur de figure géométrique, quand il interrogeait, on voyait petit à petit se dessiner une figure reconnaissable, par exemple un losange dans la classe. Donc on savait que le prochain interrogé, ce serait certainement soi. C'était un excellent professeur qui nous a beaucoup appris. On tremblait à l'idée de se faire interroger et en même temps, ce n’était jamais malveillant et on apprenait plein de choses. Il marchait dans les rangs avec des pièces dans ses poches qu’il faisait teinter. Il souriait si un élève s'aventurait à faire une petite blague et qu’elle était à propos.  

Ce qui est touchant c’est que 10 ans plus tard après la classe de seconde où nous avions eu « Laduguie » en tant que professeur, nous le retrouvons à Paris dans une file d’attente de l’« Action Christine », un célèbre cinéma de répertoire du quartier latin. Nous étions alors étudiants à la FEMIS et découvrons que notre professeur est un cinéphile averti. Il se souvenait de nous, de notre classe et était finalement tout sauf intimidant !

 

 

8. La méritocratie : Quel regard portez-vous sur la méritocratie à la Française ?

 

La méritocratie s’illustrait encore bien à notre époque. Des élèves d’horizons très divers, certains de milieux modestes ont réussi grâce à leurs études à prendre « l’ascenseur social ». Mais cette expression a-t-elle encore un sens ? Aujourd’hui on parle d’ « ascenseur en panne ». La société française est confrontée au retour de certaines inégalités, notamment en matière d’éducation. Chaque jour fleurissent des articles ou des études sur les inégalités qui se creusent ou sur les richesses qui se concentrent entre les mains d’un petit nombre. L’école doit faire l’objet d’une attention toute particulière pour ne pas perdre ce qui faisait le modèle français de la « réussite » par des études accessibles à tous et permettant d’exercer toutes les professions.

 

 

9. Vos messages 

 

Quel encouragement, félicitations et/ou conseil aux élèves actuellement à LLG ?  

 

Nous leur dirions de profiter de la diversité des profils qui atterrissent dans ce lycée, de fréquenter des gens que vous n’auriez pas forcément rencontrés si vous n’étiez pas à LLG. Profitez aussi de ces bâtiments inspirants, de ce lieu privilégié au cœur de Paris, c'est une chance d’étudier dans un tel cadre.

Surtout nous leur conseillons de suivre leur passion, de ne pas se décourager, d’être tenaces, de se méfier des « sentiers battus ». Tous les parcours sont possibles.

 

Quels messages pour l’association ?

 

Essayez de faciliter les mises en contact, ce serait bien de savoir ce que sont devenus les uns les autres  après Louis-le-Grand. En créant par exemple un outil simple et accessible comme un annuaire numérique.

 
Dernière modification : 15/05/2025