Il était une fois LLG ... Odon Vallet

AAELLG Odon Vallet

 

 

 

Il était une fois Louis-le-Grand…

 

Interview de M. Odon Vallet (LLG 1964), par Ludovic Herman de L’Entreprise Sentimentale (LLG 1987).

 

« Je suis la preuve que mon orientation vers des matières scientifiques n’était pas le bon choix »

 

Avant d’être historien des religions et fondateur de la fondation Vallet qui a accordé près de cent mille bourses à des élèves méritants en France, au Bénin et au Vietnam, Odon Vallet fut élève au Lycée Louis-le-Grand pendant trois ans. Voici un rapide retour sur l’expérience qui fut la sienne.

 

Comment êtes-vous arrivé à Louis-le-Grand ? Était-ce votre choix ? 

 

Louis-le-Grand, qui succéda, rappelons-le, au collège de Clermont, était le lycée prédestiné aux bons élèves du collège Montaigne, qu'on appelait à l'époque le petit lycée Louis-le-Grand. Comme un certain nombre de mes camarades, j'étais aussi élève à l’École Bossuet, une sorte d’externat de lycéen.  Nous y déjeunions et on y faisait l'étude après le lycée. 

 

Je rejoignais Louis-le-Grand en 1961 avec le souhait d’intégrer la seconde littéraire. Les enseignants de Bossuet ne recommandaient pas cette solution et ont influencé la décision de ma mère pour que je rejoigne la 2de scientifique.  Mon père étant déjà décédé, elle était seule à décider.  

 

En effet, même si j’avais de bons résultats au collège, je n’excellais que dans les matières littéraires ou en instruction religieuse, tout comme ma mère. Quant à mon père, actuaire, et mon frère qui deviendra ingénieur, ils étaient les doués de la famille dans les matières scientifiques. Ma mère écouta sa raison plutôt que sa passion et j’entrai en 2d C, la filière scientifique. À l’époque, seuls 16% des élèves de Louis-le Grand (contre 50% en France) avaient le bac philo et 1% à l’école Bossuet.  

 

Comment vous êtes-vous senti accueilli ? Quelles furent vos premières impressions ?

 

Mes premières impressions furent marquées par la noirceur du bâtiment. Alors qu’aujourd'hui on ravale régulièrement les façades, à cette époque, celle de Louis-le-Grand n’avait pas encore eu de ravalement. 

 

Scolairement, je réussissais dans les matières littéraires, j'adorais l'histoire, mais je n’atteignais pas la moyenne en maths et en physique. Je n'étais vraiment pas doué pour cela. 

 

Mes premières impressions furent surtout marquées par la tension qui régnait dans le lycée : nous étions en pleine guerre d'Algérie.  Cette guerre s'invitait, envahissait même Louis-le-Grand et le quartier. Les professeurs pouvaient même en venir aux mains dans le huis clos de la salle des profs et leurs enfants, lycéens à Louis-le-Grand, étaient encore plus véhéments. 

 

Heureusement, quelques professeurs ne choisissaient aucun camp de belligérants, et préféraient éviter la guerre. Ces héros pacifiques étaient rares, mais m'inspiraient. Il faut savoir que Louis-le-Grand avec Saint-Louis sont des lycées qui ont perdu une grande proportion d’élèves pendant les guerres qui ont jalonné notre histoire. 

 

En dehors de connaissances académiques, qu'avez-vous retenu de « l’école Louis-le-Grand »? 

  

Louis-le-Grand fut l’école de la camaraderie, une franche camaraderie. Si on met de côté les tensions liées à la Guerre d’Algérie, l’ambiance était bonne. Même avec mes piètres résultats en sciences, je n’ai jamais été l‘objet de raillerie ou de moquerie. J’appris aussi que des facilités ou des difficultés dans un domaine ne sont pas toujours rattrapables. Je suis la preuve que mon orientation vers des matières scientifiques n’était pas le bon choix. À la suite de mon échec à l’épreuve probatoire en fin de 1re, je redoublai, mais cela ne changea rien. Le proviseur refusa que je redouble dans la section littéraire sous prétexte que j’aurais eu du mal à rattraper l’absence de compétence en Grec. Heureusement, plus tard j’entrai à Sciences Po après un passage à Briançon dans une section littéraire ! 

 

J’appris aussi que l’argent que ma famille avait hérité n’entrait pas en ligne de compte dans ma situation. Notre vie n’était pas dispendieuse et même si l’héritage de mon père nous mettait à l’abri de toute précarité financière, jamais ma mère n’en profita pour modifier notre façon de vivre. 

 

Quels amis fréquentiez-vous ?

 

Il faut s’imaginer qu’il y avait les amis de Louis-le-Grand et aussi de Bossuet. À Louis-le-Grand, j’appréciais beaucoup Hervé Machenaud, qui deviendra diplômé X-Pont et Sciences Po et fera une très grande carrière dans le nucléaire comme dirigeant d’EDF pour l’Asie-Pacifique et membre du COMEX d’EDF.  

 

Quels sont les professeurs qui vous ont aidés, marqués ?

 

Nos professeurs étaient de grande qualité, notamment notre professeur d’histoire, un spécialiste du 19e du 20e siècle. J’appréciais particulièrement le professeur Lecercle dont j’aimais l’épreuve de récitation en particulier L’Hymne à la Matière de Pierre Teilhard de Chardin, « Bénie sois-tu, sainte Matière » :

 « Bénie sois-tu, âpre Matière, glèbe stérile, dur rocher qui ne cède qu’à la violence, et nous force à travailler si nous voulons manger ».

 

J’appréciais aussi l’Aumonier du lycée, neutre politiquement, le chanoine Ventaclaye. Il ne faut pas oublier que Louis-le-Grand disposait d’une chapelle et que tout internat impliquait la présence d’un aumônier.

 

Et la sentimentalité à Louis-le Grand ? Étiez-vous amoureux à l’époque du lycée ?

 

J'étais un peu trop jeune, c'est au cours de l'année qui succédait à Louis le Grand, au lycée à Briançon que je vécus ma première histoire d'amour avec ma professeure d'anglais, mais c'est une autre histoire, qu’on lui reprocha d’ailleurs.  En matière de sentimentalité à l'époque, les lycées n'étaient pas mixtes et, disons-le, la société demandait avant tout aux jeunes filles de bien se marier. Heureusement, les temps ont changé. 

 

Dans l’histoire, Victor Duruy œuvra à ce changement en rendant obligatoire la création des écoles de filles dans toutes les communes de plus de 500 habitants ainsi que l’archevêque Fénelon qui donna son nom au 1er lycée de fille parisien en 1883.

 

À Bossuet il y avait aussi des amis qui, le dimanche, allaient danser à La Coupole. La rumeur prétendait que l’on y en rencontrait des veuves gentilles avec les jeunes. Je ne peux pas confirmer, car je ne le fréquentais pas. 

 

Quels messages souhaiteriez-vous communiquer aux jeunes actuellement à Louis-le-Grand ?

 

Ne vous trompez pas d’orientation, on ne peut pas être pas bon en tout, mais il faut devenir excellent là ou vous vous sentez doué, ne choisissez pas une voie scientifique si c’est la voie littéraire qui vous inspire.  

 

Que pourrait vous permettre l’association des anciens élèves du lycée Louis-le-Grand ?

 

L’organisation de conférences par d’anciens élèves serait une très bonne idée, j’en ai animé il y a un certain temps à Louis le Grand ou Saint Louis. Il faudrait offrir cette possibilité à Louis-le-Grand. 

 

Merci

 

 
Dernière modification : 28/08/2024